Extrait du site INTERNET http://culture.coe.fr/skills/fr/FpatfempCharteVerone.htm

 

 

 

Charte sur l'utilisation des lieux antiques de spectacle
(adoptée à l'issue du Colloque International de Vérone, Italie, août 1997)

Note liminaire

Texte de la Charte

Annexe I à la Charte : Repères techniques sur les conditions d'utilisation des sites de spectacle

Annexe II au projet de Charte : Déclaration de Ségeste


Note liminaire

Le projet de Charte figurant dans le présent document résulte du travail des experts du "Réseau européen des lieux antiques de spectacle" (théâtres, amphithéâtres et cirques) développé depuis 1993 à l'initiative du Conseil de l'Europe. L'objectif de ce réseau a été de susciter la collaboration, autour d'exemples concrets, de professionnels intervenant à un titre ou un autre dans la vie et la mise en valeur d'un patrimoine largement répandu dans un bon nombre de pays d'Europe et autour de la Méditerranée. Archéologues, architectes, historiens de l'art, metteurs en scène, organisateurs de spectacle, représentants des collectivités locales, experts du tourisme, économistes et spécialistes du développement local ont échangé leurs points de vue au cours d'une série de rencontres thématiques, exprimant une approche intersectorielle des objectifs à atteindre pour une meilleure sauvegarde et utilisation du patrimoine.

La Charte sur l'utilisation des lieux antiques de spectacle est le produit d'une action conjuguée du Conseil de l'Europe, de l'Union Européenne et de l'Unesco. Elle constitue l'aboutissement d'une série d'étapes : En premier lieu le colloque sur la "Sauvegarde et utilisation de lieux antiques de spectacle" tenu en Sicile en 1995 et s'étant achevé avec la Déclaration de Ségeste. Cet acquis a pu être complété et développé dans le cadre du projet MINOTEC, lancé avec le soutien de l'Union Européenne (DG X) et associant diverses institutions de la France, de la Grèce, d'Italie et d'Espagne. Le colloque "Nouvelles technologies et mise en valeur des lieux antiques de spectacle" d'août 1997 (Verona), faisant suite à des séminaires organisés à Messène (Grèce) et Lyon (France) a permis d'ouvrir des perspectives nouvelles sur la mise en valeur des sites antiques de spectacle, témoins majeurs du patrimoine culturel et pôles de développement local.

Le texte de la Charte a été soumis en mars 1998 au Comité du Patrimoine Culturel du Conseil de l'Europe, qui en a recommandé la diffusion.

Le "Réseau européen des lieux antiques de spectacle" ainsi que le projet MINOTEC ont été mis en œuvre par la Fondation européenne pour les métiers du patrimoine.

Charte sur l'utilisation des lieux antiques de spectacle

Les lieux antiques de spectacle, théâtres, amphithéâtres ou cirques, sont parmi les rares monuments ayant conservé quelquefois leur usage initial jusqu'à ce jour. Lieux de mémoire, ils constituent un patrimoine qui recouvre non seulement les structures héritées du monde gréco-romain, mais l'histoire des remaniements qu'ils ont subis, des usages successifs qu'on leur a attribués, ainsi que des traditions culturelles et artistiques qui s'y rattachent.

Il s'agit aujourd'hui à la fois de préserver un potentiel scientifique, de gérer des monuments dans une perspective de développement et de redonner aux sites antiques, quand les circonstances s'y prêtent, leur pleine vocation d'espaces de création, de convivialité et d'émotion.

I. Préserver la ressource du patrimoine

Les sites antiques de spectacle constituent une ressource fragile menacée par l'érosion du temps et l'abus d'utilisation qui peut en être fait. Il appartient aux pouvoirs publics et aux collectivités propriétaires des sites de mettre en œuvre vis à vis de ce patrimoine des stratégies de conservation appropriées s'intégrant au contexte général des politiques de conservation du patrimoine architectural et archéologique, de l'urbanisme et de l'environnement. Le principe de la reversibilité des interventions sur le patrimoine doit être observé.

II. Transmettre fidèlement les connaissances

i. Les sites antiques de spectacle même les plus connus et les plus visités restent souvent insuffisamment étudiés et documentés. Le progrès des technologies informatiques offre des instruments perfectionnés pour l'étude scientifique des monuments et de leur histoire, pour l'assistance à la conservation et à la restauration, pour la dissémination de l'information, la pédagogie et la sensibilisation du public ;

ii. La virtualisation de l'information et en particulier le recours aux images de synthèse appellent cependant une vigilance déontologique et une claire distinction entre les démarches à caractère scientifique et les évocations à fin de vulgarisation.

III. Faciliter la compréhension par le public

i. La conservation des sites de spectacle n'a de sens que si elle rend accessible ce patrimoine au public et en diffuse la connaissance à divers niveaux ;

ii. Sous réserve de restrictions motivées par des raisons de sécurité ou les exigences de la conservation, l'accès des visiteurs aux monuments antiques de spectacle doit être favorisé en offrant des facilités de compréhension et d'interprétation ;

iii. Les travaux scientifiques exploités de manière sélective et peu onéreuse devraient servir de base à l'information d'un large public que ce soit via les instruments du tourisme culturel ou via les supports de la cyberculture ;

iv. La sensibilisation des jeunes à un type de patrimoine largement répandu en Europe, au Moyen Orient et en Afrique du Nord devrait se prêter à l'expression d'un message éthique qui s'attache aux valeurs communes véhiculées par un patrimoine traduisant l'histoire d'un art de vivre urbain partagée.

IV. Valoriser les sites en les utilisant

i.  Si tous les édifices ne se prêtent pas du fait de leur état de conservation à l'organisation présente de spectacles, c'est l'utilisation qui leur donne tout leur sens en actualisant leur vocation ;

ii. Quel que soit le type choisi de manifestation, il est impératif que soit respectée la fragilité des lieux et que les spectacles puissent contribuer à valoriser le patrimoine et à susciter l'intérêt du spectateur pour le site historique dans lequel ils se déroulent ;

iii. Un équilibre est à trouver entre la nécessité de la protection des monuments et les attentes des spectateurs, des visiteurs et des habitants du lieu. Dans ce but une concertation systématique devra être pratiquée entre les collectivités propriétaires des sites, les responsables de la conservation et les organisateurs de spectacle et un cahier des charges devrait être adopté pour chaque édifice précisant un minimum de règles à observer pour leur bon usage ;

iv. Un bon usage des sites devra réduire les risques de dégradation matérielle des structures antiques occasionnés par les spectacles et proscrire des aménagements scéniques ou d'accueil du public non réversibles. Il retiendra les besoins de l'aménagement scénique dans la conception des programmes d'entretien et d'aménagement de l'édifice en vue de parvenir à l'articulation la plus naturelle des fonctions de lieu de spectacle et des fonctions patrimoniales ;

v. La mise en scène de spectacles vivants ainsi que l'organisation de techniscénies portant sur l'histoire du site gagneront à exploiter l'apport de nouvelles technologies de l'éclairage, de l'image et du son en vue de renforcer la qualité même du spectacle à travers la valorisation du site ;

vi. La création contemporaine devrait être encouragée dans l'organisation de spectacles pour autant que l'artiste sache interpréter l'esprit des lieux et en tirer parti dans l'intérêt du spectacle comme du monument ;

V. Gérer les sites de spectacle en contribuant au développement durable

i. Simultanément ressource et objet du développement local, les édifices de spectacle constituent un rôle d'attraction touristique suscitant des retombées économiques au bénéfice des villes ou des régions. Cet apport peut être plus important que dans le cas d'autres monuments lorsque les sites de spectacle demeurent à la fois des monuments visités et des lieux de spectacle très fréquentés. L'utilisation du patrimoine des lieux de spectacle devra s'intégrer à un processus de développement durable ;

ii. La gestion durable des sites de spectacle ne pourra découler que d'un consensus suffisant des divers intervenants dans la conservation et l'exploitation des lieux. Elle devra comporter l'élaboration d'un plan de gestion définissant les objectifs poursuivis et les responsabilités des partenaires ainsi que l'identification d'un coordinateur assurant la conciliation des intérêts distincts relatifs au site ;

iii. Les stratégies de promotion des sites antiques de spectacle devront s'insérer dans un projet global intersectoriel de développement reposant sur la conjugaison d'initiatives et des coopérations interrégionales et internationales. Dans les perspectives d'un tourisme culturel équilibré ces stratégies devront tenir compte des seuils de saturation des monuments et rechercher l'orientation alternative des flux touristiques vers d'autres sites à développer ;

iv. La mise en valeur des sites devrait s'articuler avec un faisceau de projets culturels créateurs d'emplois bénéficiant aux populations locales, sans engendrer toutefois vis-à-vis d'elles et de leur environnement naturel un excès de nuisances.

VI. Faire progresser le savoir-faire à travers des réseaux

i. Une information suffisante devra être diffusée auprès des maîtres d'ouvrage, des concepteurs et de tout autre intervenant sur les possibilités offertes par l'évolution des techniques pour améliorer le savoir-faire de la conservation et de l'utilisation des sites. Par delà les formations initiales ou continues s'imposant aux professionnels de la conservation comme à ceux du spectacle, des formations spécifiques devront être organisées afin de rendre possible l'utilisation effective des nouvelles technologies dans les sites de spectacle ;

ii. La dimension internationale et la similarité des problèmes de conservation et de mise en valeur des lieux antiques de spectacle appellent une collaboration professionnelle transnationale. Une dynamique de réseau devra être développée quant à l'échange d'informations scientifiques entre les équipes de recherche, quant à l'organisation de cycles de perfectionnement s'adressant aux chercheurs, aux gestionnaires du patrimoine et aux professionnels du spectacle et quant au montage de projets touristiques ou pédagogiques de qualité s'appuyant sur le patrimoine ;

iii. Un système de mise en commun des données et de coordination des initiatives serait opportun pour créer une synergie des investissements intellectuels et matériels en faveur du patrimoine des sites de spectacle.

Annexe  I à la Charte

Repères techniques sur les conditions d'utilisation des sites de spectacle

Les experts ayant participé aux activités du Réseau européen des lieux antiques de spectacle et au programme MINOTEC ont élaboré une série d'orientations susceptibles de favoriser la mise en œuvre de la "Charte sur l'utilisation des lieux antiques de spectacle".

I. Préservation des ressources du patrimoine et fidélité de l'information

  1. Sur la base d'une documentation scientifique suffisante et d'une analyse archéologique rigoureuse, les travaux d'entretien, de consolidation et de restauration des sites antiques de spectacle doivent :
  2. - viser à intégrer les principes de la charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites (ICOMOS, 1964),

    - respecter l'intégrité du monument (esthétique, historique, scientifique),

    - ménager des zones de réserve en vue de la reprise ultérieure d'études complémentaires ou de vérifications scientifiques.

  3. L'ouverture au public appelle des mesures tendant à limiter les risques de dégradation liés à la surfréquentation. Il conviendra à cet égard :

    - d'informer les publics sur la vulnérabilité des sites (panneaux, documents, etc.) ;

    - de créer des cheminements attractifs faisant éviter les secteurs fragiles. L'interdiction d'accès à des zones sensibles ou dangereuses s'imposera dans certains cas ;

    - de créer des équipements appropriés (sièges, pelouses accessibles, poubelles, toilettes, points d'eaux, etc.) réduisant les risques de pollution et de détérioration ;

  1. Le recours aux nouvelles technologies de l'information facilitera les démarches d'inventaire, d'analyse, de programmation et de suivi des interventions professionnelles sur le site. Il pourra également contribuer à réduire, dans l'hypothèse de sites fragiles surfréquentés, la pression d'un trop grand nombre de visiteurs en offrant aux personnes intéressées des possibilités d'accès à distance via l'image virtuelle et les supports multimédia.
  1. S'agissant de la diffusion de l'information et de la vulgarisation, la constitution d'équipes interdisciplinaires pour la fabrication de produits multimédia devrait pouvoir limiter les risques de dérives et de déformation des données scientifiques. Il appartiendra aux auteurs du projet de préciser en toute hypothèse le niveau de leur objectif (étude scientifique, évocation ou vulgarisation). Les professionnels œuvrant dans le cas particulier des sites antiques de spectacle devront respecter les principes éthiques et déontologiques qui viendront à être adoptés sur le plan international dans le domaine de l'application des nouvelles technologies de l'information au secteur culturel.

II. La qualité de l'accueil du public

Des mesures tendant à mieux accueillir le public constitueront une garantie de bonne conservation tout en favorisant la compréhension des valeurs que véhicule aujourd'hui le patrimoine.

1.  Améliorer la compréhension du site

    Les mesures à prendre consisteront par exemple dans :

    - le tracé de circuits reprenant des cheminements antiques qui permettent la découverte progressive des lieux ainsi que l'accès à des points de vue pertinents ;

    - la mise à disposition de moyens de lecture des vestiges, à l'aide de dépliants d'audio-guidages et de guides adaptés aux différents publics. Des conférenciers formés à la visite et susceptibles de proposer des ateliers pédagogiques devraient être disponibles sur les sites les plus importants ;

    - l'ouverture d'un lieu judicieusement situé à l'accès principal du site donnant les clefs de son interprétation et sa mise en perspective historique (explications sur le monde antique, sur l'histoire locale, comparaison avec d'autres sites). De tels centres d'interprétation devraient progressivement, dans les sites majeurs, être dotés d'outils interactifs et multimédia favorisant la compréhension de l'histoire du lieu et de ses usages successifs. Des supports d'information télématiques "on line" et multimédia "off line" pourront faciliter la préparation de la visite et encourager l'approfondissement ultérieur des connaissances.

2.  Promouvoir l'image du site en sachant accueillir les visiteurs et les spectateurs :

i. du fait de leur importance historique et architecturale certains sites antiques de spectacle constituent de véritables entreprises culturelles concourant au développement local. Les stratégies d'accueil du public devraient cependant avoir déterminé pour chaque site les seuils de fréquentation compatibles avec les exigences de sa conservation durable et de son entretien.

ii. Les sites seront dotés chaque fois que possible de commodités et d'installations facilitant leur fréquentation telles que : postes téléphoniques, terminal de paiement par carte bancaire, présentoirs pour matériel d'information, signalétique multilingue, dispositif de gestion des files, consigne-vestiaires, etc.

iii. L'accueil des handicapés devra se faire dans des conditions d'accueil les plus proches des autres spectateurs, tout en prévoyant les conditions particulières de leur évacuation ou de leur mise en sécurité ;

iv. Les besoins logistiques spécifiques des artistes, dans le cas de l'organisation de spectacles, devront être également pris en compte conciliant la recherche d'un maximum de confort pour les personnes avec le respect du patrimoine ;

v. La qualité de l'accueil impliquera la formation continue d'un personnel adapté aux exigences relationnelles et linguistiques d'une entreprise culturelle soucieuse de son image.

3.  Assurer la sécurité

  1. Des mesures correspondant à la configuration du site ou la disposition du monument seront adoptées en visant à parer non seulement aux effets d'un incendie ou de tout autre phénomène, mais surtout à la panique qui pourrait s'en suivre sur la foule des visiteurs ou des spectateurs.
  1. Il y aura lieu de prévoir :
  • la délimitation d'un périmètre de sécurité autour du monument ou du site évitant le stationnement anarchique et permettant la libre circulation des services de police et de secours.
  • La définition de normes de sécurité propres au site fixant :
  • la capacité d'accueil du public,

  • le dispositif d'encadrement du public, tant pour la prévention des risques que l'assistance médicale et le secours.

III. La valorisation des sites dans leur utilisation

Dans le cas de l'organisation de spectacles, les équipements utilisés devraient le moins possible gêner la lisibilité du monument et la compréhension de sa signification historique. Cette observation s'impose pour les périodes de festival correspondant aux périodes des flux touristiques les plus importants.

1. Quelle que soit la diversité des mises en scène, les représentations devront être créées dans le respect des règles de sauvegarde et de protection des lieux.

Il sera opportun de satisfaire l'ensemble des usagers et des publics non seulement en intégrant intelligemment les dispositifs de scène ou de sécurité, mais en essayant de tirer parti de ces dispositifs pour mieux faire comprendre ou mieux mettre en valeur les vestiges :

  • en rétablissant les plateaux de scène à leurs niveaux et dans la configuration antique ;

  • en implantant décors, fonds de scène, équipements acoustiques, couvertures de scène à l'emplacement des murs de scène qui ont, en général, disparu. Dans le cas des théâtres, il pourrait être envisagé de laisser subsister en permanence des structures les plus transparentes et les plus neutres possibles dont la silhouette évoque le plan et l'épannage des murs antiques disparus ;

  • en utilisant la lumière comme élément de décor afin d'éviter des constructions de décor trop lourdes ;

  • en imaginant des décors virtuels adaptables à différents espaces ;

  • en employant un matériel miniaturisé pour les lumières, projecteurs, câblages, régie…

  • en privilégiant, pour les circulations ou les évacuations des publics, la restauration des escaliers et des couloirs antiques, ce qui fait apparaître plus clairement la structure des monuments originaux.

2. L'image virtuelle aura un rôle à jouer dans l'élaboration de mises en scène non dommageables pour les structures bâties. Cet usage peut réduire à son minimum l'érosion subie par les sites où sont données des représentations (ex : superposition d'un décor virtuel sur des structures bâties anciennes).

3. L'outil informatique permettra, lorsque nécessaire, la constitution de modèles acoustiques contribuant à la conception de nouvelles formes d'utilisation de l'espace et de la scénographie. La reconstitution tridimensionnelle du son, apportera un complément d'information à l'image virtuelle en recréant les acoustiques propres aux différents lieux. Ajouté à l'image, le pouvoir évocateur des sons offrira une connaissance plus approfondie des lieux antiques, l'acoustique étant partie intégrante du patrimoine.

IV. L'établissement de codes négociés de bonne pratique adaptés à chaque site

Les précautions à prendre s'agissant des lieux antiques de spectacle s'inspireront de principes généraux définis par le Conseil de l'Europe et d'autres Organisations internationales. Il conviendra d'établir pour chaque site un cahier des charges de l'utilisation :

  • négocié entre les collectivités propriétaires et les services responsables de la conservation ;

  • rappelant les contraintes liées au site et définissant des règles d'utilisation à l'intention des organisateurs de spectacles et d'autres manifestations.

V. Lancement de travaux en réseau

Les professionnels travaillant à un titre ou à un autre autour de sites antiques de spectacle, gagneront à développer ensemble une dynamique de réseau.

Compte tenu de la grande similitude observée entre les problématiques de mise en valeur des sites concernés, un partage européen et euro-méditerranéen d'informations et d'initiatives contribuera à la fois au progrès de la recherche, à la formation continue et à la sensibilisation d'un large public.

L'élaboration de projets communs pourra notamment porter :

  • sur la recherche scientifique et la communication de ses résultats (par exemple banque d'images virtuelles et production d'outils "on line" et "off line") ;

  • sur la promotion d'événements culturels s'inspirant de cette catégorie spécifique de patrimoine (expositions itinérantes, séminaires de recherche historique…) ;

  • sur la promotion de produits de tourisme culturel durables liés au patrimoine antique des lieux de spectacle et à leur signification hier et aujourd'hui.

Annexe II au projet de Charte

Déclaration de Ségeste

(adoptée à l'issue du colloque sur "Sauvegarde et usage des théâtres antiques "organisé à Segeste, Trapani, Palerme)

17-20 septembre 1995

Le réseau des théâtres et des monuments antiques du spectacle, créé à l'initiative du Conseil de l'Europe, a pour but de faire connaître et protéger le patrimoine architectural et culturel que les Européens partagent avec l'ensemble des habitants des pays riverains de la Méditerranée. Il vise aussi à favoriser la production artistique contemporaine en rétablissant le lien fonctionnel entre lieux antiques et pratiques actuelles de spectacle.

Il regroupe des personnes et des organisations autonomes engagées dans la recherche archéologique, architecturale, philologique, historique et artistique, la conservation, la restauration et la gestion des édifices ainsi que dans leur mise en valeur, l'aménagement de leur environnement et leur utilisation. Il encourage les échanges de vue et la coopération internationale entre les professionnels de ces différents horizons.

En vue de favoriser la conscience des racines culturelles communes aux Européens et d'affirmer les droits des scientifiques, des visiteurs, des spectateurs, des riverains et des générations futures, les participants au troisième colloque du Réseau européen organisé en Sicile en septembre 1995 sur le thème de la sauvegarde et de l'usage des théâtres antiques présentent la "Déclaration de Segeste" qu'ils transmettent au Conseil de l'Europe en vue de l'adoption d'une Charte relative à la sauvegarde, la mise en valeur et l'usage des lieux antiques du spectacle.

La réhabilitation des monuments antiques de spectacle découle de leur caractère propre. Lieux de mémoire, ils retrouvent leur véritable valeur patrimoniale à travers les représentations théâtrales. Cette recommandation formulée pour la première fois par des représentants de tous les secteurs du théâtre et de l'archéologie concerne l'héritage classique que possèdent en commun tous les peuples de l'Europe.

En application de la Convention européenne pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l'Europe (Grenade, 1985) et de la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (Malte, 1992), il est recommandé aux Etats membres :

I.  De sauvegarder le patrimoine architectural antique

  • en mettant en œuvre, tout particulièrement pour les monuments de spectacle, une législation spécifique qui prévoit des mesures de consolidation, de protection, de conservation et d’entretien ;
  • en prévoyant des moyens financiers à cet effet dès qu’un programme de fouilles archéologiques porte sur ce type de monument ;
  • en promouvant des études scientifiques et techniques portant sur les méthodes de construction et les matériaux mis en œuvre dans l’Antiquité, et sur les méthodes de conservation ;
  • en créant des programmes de formation à la gestion pour les responsables des sites, en encourageant la formation de personnes aux technologies appropriées d’entretien et de conservation de ces bâtiments, et l’échange de savoir-faire ;
  • en ne préconisant la restauration des édifices qu’après l’étude scientifique complète et en la limitant aux mesures strictement nécessaires ;
  • en élaborant une documentation précise sur les interventions effectuées dans le cadre de l’entretien et de la restauration, et en l’archivant ;
  • en maintenant l’intégrité de ces monuments par une maîtrise des sols et un aménagement de leur environnement conforme à la législation des monuments historiques.

II. De développer la connaissance et la mise en valeur du patrimoine

  • en établissant des inventaires scientifiques détaillés par type de monuments, par région ou pays en favorisant les échanges d’informations entre spécialistes ;
  • en sensibilisant le public, les utilisateurs, les autorités nationales ou locales ainsi que les élus par tout moyen approprié de diffusion des connaissances : enseignement, campagnes d’information utilisant les différents médias, publications, etc. ;
  • en mettant à la disposition des visiteurs, sur les sites, les renseignements qu’ils sont en droit d'attendre, notamment par la mise en œuvre des techniques de présentation et d'explication ; en établissant des programmes de formation pour les guides.

III. La valorisation des édifices antiques de spectacle par leur utilisation comme lieu de production artistique

Tous les édifices n'ont pas vocation à être réutilisés, mais il faut aussi tenir compte de traditions, parfois centenaires. Quel que soit le type de manifestation, il est impératif que soit respectée la fragilité des lieux ; les spectacles doivent aussi contribuer à valoriser le patrimoine et susciter l'intérêt du spectateur pour le lieu antique dans lequel il se déroule. Pour l'intégrité des monuments il convient de résoudre les problèmes de tous ordres posés par les exigences de la mise en scène et la présence de spectateurs en nombre.

Un équilibre doit être trouvé entre la nécessité de la protection et les attentes des spectateurs, des visiteurs et des habitants du lieu :

  • en préconisant la concertation et le dialogue entre conservateurs des sites et organisateurs de spectacles ;
  • en encourageant la création artistique de qualité à condition que l'artiste prenne en compte la dimension culturelle du cadre ;
  • en proscrivant les constructions permanentes ou les aménagements temporaires de nature à défigurer les édifices et à altérer les structures antiques ;
  • en promouvant des concours d'idées permettant des innovations dans le domaine de la fabrication et la mise en œuvre d'équipements réversibles ;

  • en établissant pour chaque site un cahier des charges s'appuyant sur des fiches techniques contenant la description des parties antiques et des restaurations, ainsi que des installations scénographiques existantes ;
  • en évitant toute altération des structures antiques, par exemple pour assurer la circulation, l'éclairage, l'acoustique ou le décor et en s'informant à cette fin sur les technologies nouvelles en matière d'éclairage, de sonorisation, de montage de décors, et en formant les techniciens nécessaires ;
  • en limitant le nombre des décibels émis pour éviter au voisinage les nuisances, et en favorisant les études sur les conséquences des vibrations sonores sur le monument ;
  • en assurant pleinement la sécurité du public grâce à une législation spécifique, notamment en respectant la capacité d'accueil des monuments, en canalisant le flux du public et en prenant toutes les mesures adaptées à ce type d'édifices où se déroulent des manifestations en plein air.